PEÇAS SOLTAS

Échanger des lignes de cœurs

Magdalena Kohout Diaz (ACF-Aquitania)




L’on s’interroge depuis des décennies sur les façons d’améliorer le climat scolaire. La réponse est pourtant là, sous nos yeux, il suffit d’écouter, de la cueillir. Seulement, c’est l’envers de ce que l’on aurait pu attendre. Parler, eh bien le voilà le grand secret des élèves: ce à quoi ils aspirent pour la plupart, c’est parler ensemble. Rien de plus difficile: dans la classe, on ne doit pas parler; à la cantine non plus et, depuis que le préau s’est effondré et qu’ils sont réunis dans le gymnase, pendant les récréations non plus. Mais quand est-ce qu’on parle alors?


On peut se parler sur Facebook, dit-elle, toute la journée, dès 8h et jusque tard dans la nuit. Elle dit «parler», mais c’est une parole autre, détachée du corps. Ce n’est pas mal non plus: depuis qu’ils se sont rapprochés avec ce garçon, ils se parlent ainsi de plus en plus et toujours plus longtemps. Toute leur communauté y assiste; c’est un couple à trois. Que se disent-ils? Rien, ils échangent des lignes de cœurs.


Voici donc un usage de l’appareil du lien social, un véritable recours quand le symbolique défaille. Il fait corps, il fait cœurs. Chiffrant la jouissance, il permet de ne pas se scarifier lorsque le mot manque pour parer aux ravages la chose éparpillée. Échanger des lignes de cœurs, ce n’est pas rien.


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